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Les conseils de Brice Trophardy : IA et recrutement

Tu pourrais te présenter ?

Je suis Brice Trophardy, recruteur pendant près de 10 ans en cabinets de recrutement.

Je suis né en 1982 à Rouen (76). J’ai fait des études de Lettres Modernes, un BTS de communication des entreprises. Je suis parti en Angleterre pour être assistant de Français à Peterborough.

 Après un Master de Lettres et quelques années à être professeur de Français, responsable de librairie, etc. J’ai décidé de me reconvertir dans les RH. J’ai obtenu un Master Management des RH en 2012. J’avais déjà 30 ans. Si je voulais un salaire intéressant, la seule voie possible (et la plus rapide) était être consultant en recrutement, grâce au variable.

J’étais à Lyon à l’époque et les cabinets n’étaient pas intéressés par mon profil : pas du tout commercial (littéraire), j’étais un profil atypique. J’ai alors pensé à tenter ma chance à Londres. Je devais trouver un endroit où j’avais un avantage concurrentiel déloyal. Le fameux “unfair advantage”. Et être un Français natif, c’est un énorme avantage pour recruter en France… depuis l’étranger.

Je suis arrivé à Londres et j’ai commencé par faire du phoning sur une plateforme téléphonique pour le marché Français. C’était un mal nécessaire : job pourri, mais pendant lequel je me suis fait une carapace. Mon job était de faire du démarchage téléphonique toute la journée (moi qui n’était pas commercial…).

Finalement, je finis par trouver un job de consultant en recrutement chez eSynergie Solutions, une boite anglaise qui voulait ouvrir le “Contracting” en Europe. Je recrute des IT pour des contrats de 6 mois sur des gros projets (ONU, Institutions européennes à Bruxelles…).

Après 2 ans, je rentre en France. Je trouve un job de consultant chez Hays à Strasbourg. Je suis consultant sur la division “Supply Chain”. Je recrute en CDI et en intérim des profils Ingénieur et Cadres. Je fais du 100% “au succès, sans acompte”. Très formateur.

Je finis par partir en 2018 pour rejoindre le cabinet Managing (petit cabinet régional). Je passe d’un open space à un bureau à moi. Je passe d’un cabinet où on me faisait payer les capsules de café à une voiture de fonction, téléphone de fonction… Mon boss est un ami. Bref, le rêve. Je bosse comme je veux, je me mets à faire de l’approche directe, avec acompte et exclusivité. Postes de Cadres dans l’industrie en Alsace.

En 2020, le Covid nous amène le confinement. On est au chômage technique. Je me retrouve à faire des vidéos Youtube sur mon canapé. Quelque chose ne va pas.

En janvier 2021, je profite d’un entretien annuel pour annoncer que je pars. Je ne sais pas encore quoi, mais je veux arrêter le recrutement.

Je reviens à mes premières amours : écrire.

Je me forme à la rédaction web (Lucie Rondelet), au copywriting (Marketing Mania, PB Poncelin, VeryGoodCopy). Je commence à publier sur LinkedIn en décembre 2021.

En un an, je passe de 7000 contacts hérités de mes années de recrutement à 20000 abonnés. Quelques posts viraux plus tard, j’ai compris comment LinkedIn fonctionne.

Je lance un service de ghostwriting et j’attire plusieurs clients du secteur RH/Recrutement.

Je lance une formation “LinkedIn Rocket”.

ChatGPT arrive fin 2022. En janvier 2023, c’est le choc quand le monde découvre la puissance de GPT-3, puis 3.5, 4….

Qu’est ce qui t’a amené à développer une expertise sur l’IA et le recrutement ?

Quand ChatGPT est arrivé, j’ai eu peur. Mon métier était d’écrire : rédaction web, ghostwriting. À peine reconverti après 10 ans de recrutement, mon rêve s’effondrait.

Né en 1982, j’ai connu plusieurs révolutions technologiques, grâce à mon père qui a tout adopté très tôt : 

  • Le web (premier ordinateur avec connexion internet en 1997, merci papa)
  • Le téléphone mobile (premier en 1997, merci papa)
  • Internet sur mobile (i-mode en 2002)

Bref, quand j’ai vu arriver ChatGPT, j’ai tout de suite vu le potentiel 5 ou 10 ans plus tard.

Et évidemment, si on voit ChatGPT 3 comme la version du téléphone mobile qui est sorti dans les années 80, on imagine tout de suite à quel point on ne peut pas se rendre compte de ce que ce sera dans 5 à 10 ans.

J’ai tout de suite pensé au fait qu’on est allés sur la Lune avec des ordinateurs moins puissants que nos téléphones mobiles d’aujourd’hui.

Bref, la révolution était là. Et le monde n’était pas prêt.

J’ai intégré ChatGPT à tous les niveaux de mon activité professionnelle : 

  • Génération d’idées
  • Écriture d’articles de blog
  • Écriture de posts LinkedIn

Et cela, avant la version GPT-3.5 ou 4. C’était encore assez “rudimentaire”, mais le potentiel était énorme.

J’en ai parlé à mes amis : beaucoup travaillent encore en cabinets de recrutement. Ils n’ont ni le temps, ni l’appétence technologique que j’ai. Ils ne comprenaient pas l’engouement des gens.

Rappelons que ChatGPT a atteint 1 million d’utilisateurs en 5 jours. Mais que d’une certaine façon, il s’agissait encore de early adopters. Ce qui est marquant, c’est que la dernière fois qu’une app atteignait le million d’utilisateurs en un temps record était en 2008, si on enlève les réseaux sociaux. Et oui, ChatGPT est un outil qui n’a aucune fonctionnalité qui encourage sa viralité : pas de partage de profils, pas d’effet de seuil quand un groupe le rejoint en masse. Threads a battu ce record, mais c’est un réseau social qui profite de l’appui de Meta (Facebook) et surtout de l’effet d’aubaine de la “chute” de Twitter dans le cœur de beaucoup.

Mais bref, ChatGPT est une révolution parce que pour la première fois, on donne accès direct à l’IA. ChatGPT, c’est la démocratisation de l’IA : tout le monde peut lui parler, l’expérimenter.

Pour revenir à notre sujet, je me formais donc “sur le tas” pour “survivre” en tant que créateur de contenu. J’ai développé des techniques et des systèmes pour devenir super efficace avec l’outil, car je voyais déjà le tarif moyen d’un article de blog s’effondrer.

En partageant mon enthousiasme avec mes amis et anciens collègues, j’ai tout de suite compris l’intérêt pour un recruteur d’utiliser ChatGPT.

J’ai fait la liste de toutes mes tâches chronophages, quand j’étais recruteur, puis j’ai passé des heures à tester l’outil pour voir si cela était viable en situation réelle.

J’ai compris qu’avec les bons prompts, un recruteur pouvait littéralement gagner des heures de travail chaque semaine.

J’ai partagé mes découvertes avec mes amis consultants et ils ont eu 3 réactions : 

  1. Le potentiel est dingue
  2. On ne va pas passer des heures comme toi à chercher les bons prompts
  3. Ok, c’est top, mais concrètement comment on fait

J’ai compris qu’il était nécessaire de passer par une “formation” pour permettre aux recruteurs d’être rapidement opérationnels : 

  1. Apprendre à utiliser l’outil
  2. Apprendre à écrire de bons prompts
  3. Avoir une bibliothèque de prompts optimisés à copier-coller

J’ai créé deux formes de formation : 

  1. e-learning : dispo 24h/24, on la suit à son rythme
  2. Équipe en présentiel/distanciel : feedback loop immédiate, prompts créés sur mesure

Qu’est ce qu’il faut savoir, quel est le minimum à savoir sur l’IA ?

Voici les fondamentaux à connaître pour un recruteur : 

  1. Aujourd’hui, l’IA n’est pas experte, le recruteur reste le maître à bord
  2. Il faut vérifier les résultats
  3. Une IA générative crée du texte selon un contexte donné : ce n’est pas une “intelligence”
    1. Conséquence 1 : la qualité des informations qu’on lui donne détermine la qualité de sa réponse (input = output)
    2. Conséquence 2 : on influence sa réponse, l’IA n’est pas neutre ou objective
    3. Conséquence 3 : l’IA est biaisée, elle doit servir d’interlocuteur, pas d’arbitre ou de référence
  4. L’apparente intelligence des IA génératives doit nous mettre sur nos gardes sur la pertinence et la véracité de ses propos. Il est bien plus difficile de penser qu’une information est fausse quand elle est bien formulée et qu’elle a l’air intelligente.
    1. On peut se faire manipuler très facilement par l’IA
    2. Attention au biais de confirmation : on croira d’autant plus l’IA si elle dit quelque chose qui confirme ce que l’on pense
    3. ChatGPT est optimisé pour être “gentil” et être d’accord avec nous, sauf si cela va à l’encontre des conditions générales d’OpenAI (il ne tiendra pas de propos violents, racistes, pour les drogues, etc.)
  5. Le contrôle des données reste une boîte noire : même si OpenAI garantit la non utilisation des données pour améliorer le modèle (on peut choisir cette option dans les paramètres), la réalité est que l’on maîtrise encore mal ce qu’il se passe dans les modèles d’IA génératives. En bref, on ne comprend pas tout. Donc, la garantit absolue de la confidentialité des données n’est pas 100% garantie. Je parle là de “principe” réaliste, pas de RGPD. La conformité RGPD est une problématique légale, pas technologique. À ce jour, ChatGPT n’est pas conforme RGPD, la meilleure manière de l’être est de ne pas donner les informations confidentielles à l’outil.

Il s’agit là des garde fous pour les recruteurs, pour une utilisation professionnelle.

Et en recrutement, quelles sont les applications concrètes ?

ChatGPT est capable de tâches basiques aux applications multiples : 

  • Écrire
  • Résumer, reformuler
  • Associer plusieurs sources de contenu
  • Comprendre des contenus

Les applications concrètes pour les recruteurs sont les suivantes : 

  • Rédaction d’annonces d’emploi
  • Rédaction de synthèse d’entretien
  • Préparer ses entretiens candidat : 
    • Générer des questions (situationnelles, comportementales, techniques, etc.)
  • Préparer ses entretiens clients/hiring manager
    • Comprendre un métier (missions, responsabilité, KPI, etc.)
    • Identifier les incidents critiques, les questions
    • Green flag / Red flag
    • Critères de recrutement
  • Sourcing : mots clés, recherches booléennes, reformulation d’intitulés de postes, profils à potentiel
  • Rédaction d’emails : clients, managers, candidats, feedbacks…
  • Rédaction de contenus : marque employeur, inbound recruiting, 

Les applications sont multiples et ChatGPT est très pertinent dans un cadre professionnel pour la rédaction, la compréhension et la synthèse de grandes quantités d’informations, la génération d’idées.

Il écrit bien plus rapidement et soulage la charge mentale d’un recruteur qui a souvent de nombreuses missions à gérer en même temps.

Est ce qu’on peut résumer l’IA à Chat GPT aujourd’hui ?

Non, ChatGPT n’est qu’un produit d’OpenAI. C’est une interface optimisée pour faciliter l’interaction avec un modèle de langage (GPT-3.5, GPT-4…) comme avec un “chatbot”.

ChatGPT est le plus connu car il a ouvert la porte. Il existe aujourd’hui d’autres modèles de langage concurrents : Gemini (Google), Llama 2 (Meta), Mistral 7B (Mistral AI).

En plus de ces LLMs, on a d’autres IA génératives qui ont d’autres applications : 

  • Whisper d’OpenAI permet de retranscrire la voix en texte.
  • Sora d’OpenAI crée des vidéos à partir de texte
  • Dall·E (OpenAI) et Midjourney créent des images à partir de texte
  • Jukebox d’OpenAI crée de la musique

Le marché des IA génératives explosent, à l’image de Hugging Face qui permet à une communauté de passionnés d’échanger et construire des projets autour des modèles de LLMs. On y compte 546,054 modèles de langages !

Et je n’ai même pas parlé de Microsoft qui intègre GPT-4 dans tous ses produits avec le projet Copilot.

L’avenir est un monde où toutes les applications informatiques auront une IA intégrée et plus ou moins visible pour l’utilisateur final.

Donne moi un prompt que tout recruteur devrait savoir ?

Voici un prompt court et simple pour générer des questions d’entretien en quelques secondes : 

Je veux que tu crées 5 questions d’entretien pour chaque catégorie :

  • Comportementales
  • Situationnelles
  • Scénarios hypothétiques
  • Résolution de problème
  • Technique
  • Projets Antérieurs
  • Outils et technologie
  • Connaissances théoriques

pour ce candidat :

COPIER COLLER CV CANDIDAT

Voici le descriptif de poste :

COPIER COLLER JOB DESC

Ce prompt fonctionne avec la version gratuite de ChatGPT. Il permet de générer différents types de questions, ce qui accélère la préparation d’un entretien. Il suffit ensuite de garder les plus pertinentes, ou les reformuler.

Tu connais des entreprises qui utilisent l’IA en recrutement ? Qui sont-elles et comment elles l’utilisent ?

Je connais une entreprise qui a lancé le projet d’intégrer l’IA à son processus de recrutement. Il s’agit de DreaminJob, dont le CEO est Damien Gosseries.

Ils utilisent l’IA pour accélérer leur processus et pour améliorer l’expérience des candidats. Ils s’adressent à des étudiants, cible difficile à intéresser à ces questions.

Ce qui est intéressant, c’est que l’IA sert non seulement à aider  les recruteurs en interne dans leurs missions : création d’annonces, analyse de profils, etc.

Mais elle sert aussi à offrir aux candidats les meilleures informations, selon leur profil (formation, soft skills, choix dans l’application…).

Je connais aussi Trimoij, dont le CEO est Aurélien Guillon. Cette startup qui a révolutionné les tests de personnalité a rapidement intégré ChatGPT. Ils l’utilisent pour analyser les CV écrire des rapports détaillés en se basant sur les résultats de leurs tests.

L’IA et le recrutement, un mariage pour durer ?

Le recrutement cumule beaucoup de tâches chronophages que l’IA peut aider à accélérer. Il faut voir l’IA comme un moyen simple de gagner du temps pour en consacrer davantage aux candidats.

Un entretien préparé plus rapidement, c’est du temps gagné en entretien.

L’IA peut personnaliser les feedbacks, les préqualifications, etc.

Le recrutement est un secteur qui souffre d’un grand manque d’efficacité car on ne pouvait pas accélérer la réflexion, la lecture de documents, etc.

C’est maintenant possible. L’IA va devenir une évidence.

Qui faut-il suivre pour enfin ne plus être perdu sur l’IA et le recrutement ?

Il y a peu de personnes qui parlent d’IA et de recrutement et j’en suis très peu.

À part Aurélien Guillon qui est un passionné et qui veut faire la promotion de Trimoji sur LinkedIn, je connais peu de personnes à suivre.

Je partage de temps en temps du contenu sur le sujet, mais je suis loin d’être spécialisé sur le sujet sur LinkedIn.

Merci Brice !

Pour retrouver toute la série sur l’IA et le recrutement

Comment mettre en place l’IA chez vos recruteurs – Le cas de SFEIR

Les conseils de Nicolas Galita

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